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L'Oribus &
Histoire et société en Mayenne

L’abbaye du Port-du-Salut, 1892-1939. Tome 2, le « salut » cistercien . L’Oribus numéro 119, juin 2024.

Au sommaire,

I – UN CENTRALISME PATERNEL

  • Sa paternité, le très révérend père abbé
  • Sa paternité révérendissime,l’abbé général
  • La « visite régulière » du « père immédiat »

II – UNE ORGANISATION SÉCULAIRE

  • Les officiers du monastère :« une « photographie » en 1911
  • Domestiques et ouvriers

III – OBSERVANCES ET AUSTÉRITÉS

  • La sainte liturgie
  • La retraite annuelle
  • Discipline et Ascèse
  • Pauvreté et Charité
  • Santé et Éternité

« L’esprit moderne »

Les difficultés politiques et économiques exposées ne sont pas une exception dans le monde cistercien. Bernard Delpal a analysé l’évolution de la Trappe d’Aiguebelle au cours de la même période, qui passe d’une activité agricole autarcique à une affaire véritablement industrielle (chocolaterie), structurée en société anonyme et investie dans une véritable usine, à Donzère. Ceci avec toutes les contraintes et les dangers pour concilier cette activité intense avec la « régularité » et la pauvreté monastique.

L’Ordre de la Stricte Observance au début du 20e siècle est florissant (effectif global en 1894 : 4 153 moines et moniales. Il atteint en 1942 le chiffre maximal de 5 047). La filiation a essaimé et l’Ordre est redevenu international. Sur 52 abbayes, il n’y en avait que 22 en France. On en trouvait aux USA, en Afrique, en Syrie, en Chine. Le 16 juillet 1929, Dom Hermann-Joseph Smets, vicaire de l’Abbé général Ollytrot de Keryvallan décédé, dans son discours d’accueil du chapitre destiné à élire un successeur, faisait toutefois le constat d’un malaise ressenti. « Nous déclinons, entendait-il au cours de ses visites, l’Ordre périclite… Nous allons à la dérive… ».

Il analysait comme suit les symptômes : « On aime, certes, et on vante l’Union de 1892 ; on apprécie la somme de bon esprit, de charité et d’abnégation qu’il a fallu pour la réaliser mais on cherche à en subtiliser la quintessence constitutive pour la travestir en modalités capricieusement adaptées à l’esprit moderne ». Il poursuivait : « On est cistercien : donc notre Ordre n’est plus ce que N.P. Saint Bernard voulait qu’il fût… On est cistercien : il faut donc du ministère, de l’apostolat, des œuvres extérieures de toute sorte… Le silence monastique, ose dire une certaine jeunesse, n’est plus de notre temps !… Les proclamations au chapitre blessent la charité, prétendent les uns ; il faut voyager, beaucoup voyager, affirment les autres, pour s’instruire et se documenter, pour faire des opérations commerciales ou des entreprises industrielles, pour prêcher, pour s’exhiber… On est de toutes les fêtes, et on y conduit ses religieux, et pourquoi pas ? Les Trappistes autrefois, gardaient la clôture, aujourd’hui cela devrait changer : n’est-on pas cistercien ? Et on accorde aux jeunes religieux et novices, oh ! pas des récréations proprement dites, mais des promenades en commun, de multiples soulagements, car il leur faut des distractions, et on ne doit pas prendre à la lettre les austérités de la Règle ; est-on encore Trappiste ?… »